Steve Sartor en Luc Van Antwerpen (Concordia): « Se concentrer sur les domaines où nous pouvouns faire la différence pour les clients »

Concordia est l’une des grandes agences de courtage de notre pays depuis de nombreuses années. Elle est une filiale à 100 % d’Ecclesia Group, le numéro 1 en Allemagne, depuis 2016. En 2021, elle a repris également le courtier Kegels & Van Antwerpen. Telescope s’est entretenu avec les managing directors Steve Sartor et Luc Van Antwerpen à propos des ambitions de Concordia, du marché actuel, de l’avenir du courtage et de la recherche toujours difficile de nouveaux collaborateurs.

Que représente Concordia aujourd’hui ?

Steve Sartor: Nous sommes actifs depuis plus de 60 ans déjà dans le courtage d’assurance. Longtemps dans le cadre d’un actionnariat familial, mais depuis 2016 comme partie du groupe Ecclesia. La reprise de Kegels & Van Antwerpen a renforcé notre part de marché et notre profil. Concordia s’est concentrée sur les grandes entreprises et les risques maritimes. Kegels & Van Antwerpen visait plutôt le marché des pme et travaillait beaucoup par voie digitale. Nous nous complétons donc parfaitement. Ensemble nous occupons 140 collaborateurs et réalisons un chiffre d’affaires de près de 18 millions d’euros.

Cela signifie-t-il que vos groupes cibles couvrent aujourd’hui tout le spectre : des grandes entreprises aux particuliers ?

Steve Sartor: Oui, nous desservons les grandes entreprises et les pme tout comme les particuliers et « affinities ». Allons-nous continuer à le faire toujours ? Non, je ne le pense pas. Comme tous les acteurs du marché, nous devrons faire des choix dans ce que nous faisons. À l’avenir, nous nous concentrerons principalement sur les domaines où nous pouvons apporter une réelle valeur ajoutée à nos clients, nous voulons travailler efficacement et, bien sûr, gagner de l’argent. Cela signifie toutefois que nous serons moins ou même plus du tout actifs dans certains segments. Dans d’autres domaines, nous allons peut-être externaliser certaines tâches ou jouer au maximum la carte de la numérisation. Nous sommes occupés à faire cet exercice.

La coopération avec le Groupe Teledesk est un exemple d’un tel projet d’externalisation.

Luc Van Antwerpen: C’est vrai. Nous avons choisi de travailler avec le Groupe Teledesk pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, il est parfois très difficile de trouver les bons collaborateurs et ensuite de les gérer de la meilleure façon possible. En outre, il faut admettre qu’il est parfois plus rentable de travailler avec une partie externe spécialisée dans des tâches spécifiques et qui connaît également le secteur. Pour le client cela n’a pas tellement d’importance : il veut surtout profiter d’un bon service. Le prestataire qui lui fournit ce service est moins important pour lui. Mais le client veut aussi avoir un interlocuteur chez son courtier en cas de question ou de problème. C’est là que nous avons notre rôle à jouer surtout. Le courtier phygital, qui combine une approche personnelle avec des outils numériques puissants, est donc notre modèle du futur.

PAS UN MÉTIER SEXY

Pourquoi n’est-il pas facile de trouver de nouveaux collaborateurs ?

Steve Sartor: Le secteur de l’assurance souffre toujours d’une perception négative. Il en va de même pour les courtiers en assurances. Peut-être même pour les courtiers tout court, car les professions d’agent de footballeur et d’agent immobilier souffrent aussi souvent d’une réputation négative. Il est un fait que le secteur des assurances n’est généralement pas la destination de rêve des jeunes diplômés. Nous devons travailler là-dessus. Nous devrions, par exemple, faire mieux connaître notre profession à de nombreux jeunes gens.

Luc Van Antwerpen: Il est également crucial de rendre les emplois de notre secteur plus attrayants de l’intérieur. Le télétravail est une évidence depuis la pandémie de corona. Mais nous voulons aller plus loin chez Concordia. Je pense, par exemple, à davantage de formations et de meilleure qualité pour notre personnel. Il ne suffit pas que nos collaborateurs aient suivi le nombre obligatoire de jours de formation. Une formation doit rendre chaque collaborateur meilleur. Elle doit également élever le niveau du collaborateur et de notre entreprise. Nous voulons vraiment travailler sur ce point.

Il est également important de fournir aux collaborateurs un cadre de référence pour leur travail. Ils doivent savoir ce que l’on attend d’eux et comment ils peuvent apporter une valeur ajoutée aux clients et à leur employeur. They respect what you inspect. Ce que je veux dire exactement ? Nous établissons des matrices de charge de travail pour différentes fonctions. Elles indiquent la charge de travail attendue d’une personne occupant une fonction particulière. Celles-ci devraient motiver encore plus nos collaborateurs à atteindre et, de préférence, à dépasser les objectifs fixés

Quel impact a eu le corona sur le plan des RH ?

Steve Sartor: Comme dans beaucoup d’autres entreprises, nous avons dû réagir rapidement, par exemple en raison du télétravail obligatoire. Nous avons pu le faire assez facilement. Cependant, j’ai remarqué que plusieurs jeunes collaborateurs qui nous ont rejoints pendant la pandémie sont déjà partis. L’une des raisons est qu’une grande partie de leur travail et de leur environnement professionnel étaient numériques. Tout le monde n’apprécie pas nécessairement. Les contacts sociaux sont importants, au travail aussi. Lorsqu’un travail est également très répétitif, les jeunes s’en lassent rapidement. Il faut que nous en tenions compte. Nous devons guider les jeunes dans leur travail et leur donner la possibilité de s’épanouir. Aujourd’hui, on attend beaucoup plus des jeunes travailleurs qu’il y a, disons, vingt ans. Dans le même temps, les jeunes collaborateurs doivent également comprendre qu’ils ne savent ou ne peuvent pas encore tout faire et prendre le temps de mûrir. Cela va devenir un défi majeur pour les employeurs et les travailleurs, je crois.

Luc Van Antwerpen: La recherche de collaborateurs nous a également menés sur des chemins alternatifs. Par exemple, aujourd’hui, nous recrutons des personnes qui, en raison d’un certain handicap, ont des difficultés à intégrer le marché du travail ordinaire. Mais pour des emplois spécifiques, elles ont le profil idéal. Je songe par exemple aux personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme. Elles sont les bienvenues chez nous. C’est une forme de responsabilité sociale de l’entreprise que nous sommes heureux d’assumer chez Concordia et qui est également très précieuse pour l’entreprise elle-même. Nous voulons également offrir des opportunités aux jeunes qui n’ont pas réussi à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, mais qui ont les qualités pour réussir chez nous. Nous souhaitons les recruter et leur offrir une formation continue approfondie.

TRAVAILLER EFFICACEMENT, MISER SUR LE NUMÉRIQUE… ET SE DÉVELOPPER

Où se situent les ambitions de Concordia ?

Steve Sartor: Nous avons de grandes ambitions de croissance. Mais nous voulons nous développer de manière efficace, c’est-àdire en alignant de manière optimale les outils numériques et le capital humain. Notre appétit pour la numérisation est plus que de la poudre aux yeux. Nous voulons arriver à des processus automatisés qui contactent nos clients à intervalles réguliers, par exemple pour leur demander si leurs risques ont changé, si de nouveaux risques sont apparus, etc. Cela signifiet-il que nous enverrons moins souvent nos commerciaux chez les clients ? Absolument pas ! Au contraire, nous voulons les faire sortir encore davantage. Lorsqu’ils rendent visite à nos clients, ils peuvent parfaitement remplir leur rôle de conseiller. Mais pour l’optimisation des contrats d’assurance-vie, par exemple, les possibilités numériques sont très étendues.

Comment voyez-vous l’arrivée d’acteurs non traditionnels sur le marché de l’assurance ?

Luc Van Antwerpen: C’est une réalité. De nouveaux challengers vont venir s’ajouter. Mais ils sont souvent guidés par la technologie et l’aspect humain leur fait défaut. Or, la combinaison des deux est indispensable, surtout sur un marché de courtage comme celui des assurances en Belgique.

UN MARCHÉ PLUS DUR

À quoi ressemble le marché du risque industriel aujourd’hui ?

Steve Sartor: Après quelques années pas trop dures, principalement caractérisées par une baisse des primes, le marché se durcit nettement désormais. Il n’est plus question de remises depuis un certain temps déjà. De plus, dans certaines branches, comme la responsabilité civile, les cyber-risques, etc., il est très difficile de trouver une capacité suffisante chez les assureurs Les exigences strictes en matière de solvabilité, qui obligent les assureurs à réserver beaucoup de capital, rendent la tâche encore plus difficile.

Ces dernières années, de nombreux acteurs se sont concentrés principalement sur l’augmentation du chiffre d’affaires et ont accordé moins d’attention aux rendements. Ça se paie à un certain moment. Aujourd’hui, on se concentre donc beaucoup plus sur la souscription technique. On ne parle plus de remises, mais de franchises, de réassurance, de captives… et d’augmentation de primes.

Enfin, on constate également que l’expertise des assureurs est en baisse. De plus en plus de tâches sont confiées à la société de courtage. Parfois, c’est bien, par exemple parce que les choses peuvent alors être organisées plus efficacement, mais d’autres fois, il s’agit simplement de déplacer la charge de travail. Et dans ce dernier cas, cela ne fait que créer des coûts supplémentaires pour les courtiers, et non une valeur ajoutée.

Dans quelle mesure est-il important, en tant que grand courtier, de pouvoir proposer des solutions à l’échelle internationale ?

Steve Sartor: Les clients sont de plus en plus actifs au niveau international. Si vous ne pouvez pas aider les clients à l’étranger, vous avez un problème. C’est aussi simple que cela. Grâce à nos racines internationales, nous pouvons également proposer des solutions sur mesure pour les risques complexes au-delà des frontières nationales. C’est dans des programmes comme celui-ci que nous pouvons vraiment faire la différence. Et c’est ce à quoi nous aspirons tous, n’est-ce pas ?