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Koen Lamberts : « Combiner réglementation et expérience agréable pour le client et le conseiller est le plus grand défi. »

Koen Lamberts travaille comme courtier auprès de Pareto et MySavings, deux bureaux très différents en termes de groupes cibles, de positionnement, de marketing et de taille. Il est donc l’interlocuteur idéal pour parler des défis qui attendent le canal des courtiers. Vous êtes actionnaire de MySavings et Pareto, deux courtiers à l’approche radicalement différente. Pouvez-vous …

Koen Lamberts travaille comme courtier auprès de Pareto et MySavings, deux bureaux très différents en termes de groupes cibles, de positionnement, de marketing et de taille. Il est donc l’interlocuteur idéal pour parler des défis qui attendent le canal des courtiers.

Vous êtes actionnaire de MySavings et Pareto, deux courtiers à l’approche radicalement différente. Pouvez-vous nous présenter brièvement les deux bureaux ?

Koen Lamberts: Pareto est un family office qui mise sur une approche forte et personnalisée des clients, qui peuvent compter sur un interlocuteur attitré et une approche holistique du patrimoine. J’entends par là que les clients de Pareto peuvent s’attendre à recevoir des conseils juridiques, fiscaux et financiers approfondis en matière d’épargne, d’investissements, de protection des revenus et du patrimoine, et de pension complémentaire. Nos clients sont des entrepreneurs et des particuliers fortunés. Nous misons sur des personnes qui possèdent un patrimoine mobilier de plusieurs centaines de milliers d’euros. Avec cette approche et ce public cible, nous marchons sur les platesbandes des banquiers personnels et privés, même si nous vendons au final une certaine tranquillité d’esprit à nos clients.

MySavings a l’ambition de se concentrer davantage sur les produits, en opérant principalement dans le domaine des pensions complémentaires. Avec MySavings, nous ciblons principalement les indépendants et chefs d’entreprise qui recherchent une personne de confiance spécialisée, mais qui ont aussi déjà cherché des informations par eux-mêmes. Nous n’appliquons pas ici de limite de patrimoine.

Cela suppose aussi une approche marketing différente entre les deux acteurs ?

Koen Lamberts: Effectivement. Chez Pareto, nous communiquons avec les clients en donnant des conférences informatives sur les questions qui les empêchent de dormir : planification de la succession et de la pension, investir en période d’incertitude, … Nous organisons ces conférences nous-mêmes ou avec des partenaires comme des associations professionnelles, des service clubs, … Ces conférences nous permettent d’approfondir un sujet et d’obtenir de nombreux rendez-vous pour une présentation personnelle à des clients potentiels.

Pour les clients de MySavings, la rencontre se fait souvent en ligne, où nous sommes assez actifs. Notre site internet est notre carte de visite. On y trouve des tonnes d’informations sur des sujets comme les pensions complémentaires, l’incapacité de travail, la fiscalité, … Le site est bien référencé sur les moteurs de recherche et nous apporte beaucoup de leads. Les visiteurs veulent souvent des informations sur un produit en particulier, complètent le formulaire de contact ou nous appellent tout simplement. Nous discutons alors et essayons bien sûr ensuite d’approfondir la relation.

Comment voyez-vous la relation entre contacts physiques et monde en ligne ?

Koen Lamberts: Comme très complémentaire. Surtout pour MySavings. Je constate en effet que même s’il y a beaucoup d’informations disponibles sur le web, les clients aiment toujours être aidés par un conseiller physique. Mais sans les canaux numériques, nous aurions aussi beaucoup moins de leads. Beaucoup ont aujourd’hui pris le réflexe d’effectuer d’abord une recherche sur Google, qu’il s’agisse de voyages, de cuisine, de sport, d’énergie, de produits financiers, … et avec un peu de chance, ils peuvent vous trouver parmi toutes les organisations qui se bousculent pour attirer l’attention. Il n’est plus possible aujourd’hui, en tant que courtier, de se passer d’un site web performant ou d’un autre système de génération de leads, selon moi. C’est souvent votre premier contact avec un client potentiel, même si vous ne vous en rendez pas forcément compte à ce moment-là. Par la suite, si le client vous contacte, vous avez une excellente occasion de faire de nouvelles affaires. Une fois que vous avez un rendez-vous avec un prospect et que vous pouvez l’interroger sur ses besoins et ses attentes, la machine est lancée.

Comment essayez-vous de vous démarquer avec Pareto et MySavings ?

Koen Lamberts: Les connaissances, la confiance, la disponibilité et l’expertise sont primordiales. Et je suis convaincu que ce sont aussi les principaux atouts de nombreux confrères. Mais nous avons d’autres ressources. Chez Pareto, nous nous efforçons vraiment d’offrir un service VIP à nos clients. Chez MySavings, nous n’appliquons par exemple pas de frais d’entrée supplémentaires en tant que courtier, ce qui nous permet de proposer les frais les plus bas du marché pour les pensions complémentaires. Nous nous profilons également comme des entrepreneurs qui savent comment pensent les indépendants et nos clients l’apprécient.

LES CLIENTS PERÇOIVENT PEU DE VALEUR AJOUTÉE DES OBLIGATIONS ADMINISTRATIVES

Quel est selon vous le principal défi qui attend le canal des courtiers ?

Koen Lamberts: La réglementation… Nous sommes submergés de nouvelles obligations et j’ai l’impression que ce processus s’est encore accéléré et accentué ces dernières années. Cela provoque une énorme charge de travail supplémentaire pour tous les courtiers. Et le client n’en perçoit en outre pas toujours la valeur ajoutée.

Le défi pour nous en tant que courtiers consistera selon moi à adapter ces obligations administratives à nos propres défis commerciaux et aux attentes des clients. Mais ce ne sera pas évident… Si un client souhaite souscrire un simple plan d’épargne de branche 44 pour 40 euros par mois, nous devons, dans le cadre des obligations de transparence et d’information, lui fournir au moins les informations suivantes :

  • conditions générales : 16 pages
  • brochure avec explications : 16 pages (pas d’obligation légale, mais explications dans un langage compréhensible)
  • règlements de gestion et de participation bénéficiaire : 57 pages
  • rapport de gestion semestriel : 112 pages (pas d’obligation légale, mais pertinent)
  • document SFDR : 12 pages
  • document d’information clé : 5 pages
  • informations précontractuelles supplémentaires
  • documents d’information spécifiques (fiches de fonds) par fonds de branche 23 choisi : 3 pages par fonds
  • nos propres obligations de transparence IDD (FSMA, avis ou pas, inducements, politique en matière de conflits d’intérêts, procédure de réclamation, RGPD, …) : +/- 15 pages
  • sans parler de la documentation des connaissances et de l’expérience du client, de ses besoins, de sa situation financière, de ses objectifs en matière de durabilité, de son attitude par rapport au risque, du questionnaire AML, de notre avis, … (+/- 20 pages) pour aboutir à une offre spécifique, au formulaire de souscription, au contrat et au document de domiciliation (+/- 25 pages).

Soit un total d’environ 290 pages ! Si vous voulez donner un avis impartial, vous devrez obtenir au moins 3 ou 4 offres de différentes compagnies, avec tous les documents que cela suppose. Et à chaque modification ou arbitrage, vous devrez ajouter une analyse coûts-bénéfices et reprendre l’ensemble du processus dont je viens de parler. Qui va lire tout ça ? Même si cela part d’une bonne intention, c’est clairement trop. Ça va bien au-delà de la méfiance et du contrôle. J’espère qu’on pourra faire un peu marche arrière et partir de la confiance dans la manière dont le courtier fait son travail.

D’un autre côté, il y a aussi un point positif pour les courtiers : la lourdeur de l’administration fait en effet en sorte que les clients n’ont pas envie de parcourir eux-mêmes tout le dédale administratif et préfèrent être guidés par un spécialiste. Mais toute cette paperasserie est loin d’être toujours efficace. Je m’attends donc à ce que des outils numériques soient créés ou optimisés dans les années à venir pour simplifier grandement ce processus et le rendre plus facile à intégrer dans une conversation avec un client. Qui sait si nous ne déciderons pas à un moment donné de modifier l’accès à la profession. Imaginez que l’on impose une telle obligation d’information pour chaque conseil donné par un médecin, un avocat, un architecte, un entrepreneur, …

PAS BESOIN DE PROFIL D’INVESTISSEUR

Prenons l’exemple d’un profil d’investisseur. Les clients ne devraient-ils pas y voir une valeur ajoutée ?

Koen Lamberts: Tout est relatif. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, y compris des courtiers, un profil d’investisseur n’est pas un document légal obligatoire. Vous êtes certes tenu, en tant que courtier, de lier vos conseils aux attentes, besoins, connaissances et expériences du client, mais l’établissement d’un profil d’investisseur n’est pas une obligation légale. Il est vrai que certains assureurs attendent l’établissement d’un profil d’investisseur, mais d’un point de vue réglementaire, il n’y a pas d’obligation de ce type aujourd’hui.

Le problème des profils d’investisseurs est qu’ils sont généralement limités à trois ou quatre catégories, ce qui met vite les gens dans une case. De plus, certaines personnes se trouvent à la limite entre deux catégories et leur situation peut changer rapidement. En tant que courtier, vous devriez donc revoir ce profil très régulièrement pour voir s’il reflète toujours la réalité. Ces changements peuvent être provoqués par de nouvelles situations dans la vie du client, mais aussi parce que le profil et la classe de risque des fonds d’investissement changent. N’oubliez pas non plus que la classe de risque d’un même fonds peut être différente selon qu’il s’agit d’une banque ou d’un assureur.

Le profil d’investisseur détermine aujourd’hui en grande partie les conseils que donnent de nombreux courtiers. Or, l’avis du courtier devrait selon moi être bien plus motivé par les réponses du client à ses questions, que par le profil d’investisseur. Nous ne l’établirons donc que si les assureurs nous y obligent. Nous voulons avant tout que nos conseils répondent à tout moment et de manière optimale à ce que le client souhaite et attend. Nous respectons bien entendu intégralement les obligations légales, mais un profil d’investisseur n’est pas nécessaire pour ce faire.

À propos de la réglementation : que pensez-vous de la circulaire sur la règle des 80% pour les contrats EIP ?

Koen Lamberts: Rien de très positif évidemment. Cela nous prend deux à trois heures par client pour calculer l’impact sur sa prime EIP et ça va en outre entraîner une diminution des primes, voire leur suppression temporaire. Le travail va donc augmenter, mais nos revenus vont diminuer. Beaucoup de courtiers vont de plus devoir rembourser des dizaines de milliers d’euros de commissions de rappel du passé. Il est clair que ce n’est pas un message agréable à attendre pour les courtiers. Sans parler du manque de sécurité juridique qui entoure tout ça, à commencer par le fait que la circulaire a un effet rétroactif sur les exercices déjà clôturés et que de nombreuses questions restent à ce jour sans réponse.

Quels autres défis voyez-vous pour les courtiers ?

Koen Lamberts: Outre le tsunami de réglementations, je pense que les courtiers doivent rester attentifs afin de générer suffisamment de valeur pour leurs clients. On voit par exemple que les assureurs recherchent des moyens d’intégrer des aspects non financiers dans leur offre. Pensez par exemple aux activités sportives ou physiques gratuites liées à une assurance revenu garanti ou une assurance décès. Faire partie de tels écosystèmes est un véritable défi pour les courtiers dans la mesure où des non-courtiers essaient aussi d’avoir leur part du gâteau. Et si les clients y voient vraiment une valeur ajoutée, vous ne pouvez pas laisser passer le train.

Je suis aussi convaincu que les clients voudront à l’avenir pouvoir faire de plus en plus de choses via des applications sur leurs smartphones pour des raisons de confort et de facilité. Pour les courtiers, cela se limite pour le moment à permettre aux clients de consulter leur portefeuille. Mais les assureurs vont plus loin dans ce cas et développent des applis qui permettent d’entrer directement en contact avec les clients. Certaines compagnies travaillant avec des courtiers vendent aussi directement des assurances sur leur site web. Pour le moment, les clients doivent encore désigner un courtier s’ils veulent un tel produit, mais rien ne garantit que cela va durer. En tant que courtiers, nous devons être en mesure de démontrer notre expertise aux clients à tout moment. Et cela suppose que les courtiers vont devoir faire des choix : en tant que courtier, vous allez surtout devoir vous concentrer sur les produits pour lesquels vos conseils apportent une vraie valeur ajoutée. Cela fait que certains produits d’assurance, comme les assurances incendie ou auto classiques, devraient être beaucoup moins vendus par les courtiers à l’avenir selon moi. À moins qu’ils ne soient intégrés dans une police d’assurance et que vous puissiez ainsi offrir un avantage de prix à vos clients.

Est-ce difficile de trouver les bons collaborateurs ?

Koen Lamberts: Cela représente en effet un grand défi. Les assurances sont et reste une activité peu sexy pour les jeunes. Les courtiers recherchent des personnes intelligentes, qui ont certaines connaissances en matière d’assurances, qui maîtrisent le numérique et qui sont prêtes à passer une grande partie de leur temps de travail derrière un ordinateur. Une perspective pas vraiment emballante pour de nombreux jeunes candidats. Je parle bien sûr ici des fonctions non commerciales. Les fonctions commerciales offrent plus de flexibilité. Nous offrons de bonnes conditions de travail, mais cela reste pas évident. Si les assureurs ont du mal à trouver du personnel, c’est encore plus vrai pour les courtiers.

LA FINALITÉ D’UNE ENTREPRISE EST ESSENTIELLE

Quelle importance accordez-vous à la mission et à la vision d’une entreprise, à sa finalité ?

Koen Lamberts: C’est vraiment très important. Il est aussi important que le personnel soit convaincu de ce que vous représentez et de ce que vous voulez réaliser. Jusqu’il y a quelques années, cela était souvent considéré comme du blabla, mais les temps ont changé. De plus en plus de clients veulent connaître le pourquoi de ce que vous faites.

Comment cela se traduit-il pour Pareto et MySavings ?

Koen Lamberts: Chez Pareto, nous nous concentrons résolument sur la tranquillité d’esprit de nos clients et nous faisons également de notre mieux pour nous engager dans des activités caritatives. Chez MySavings, nous soutenons les indépendants et les dirigeants d’entreprise pour sécuriser leur pension et leur patrimoine. Nos deux entreprises jouent le rôle de personne de confiance pour tous les clients dans un monde financier complexe. Nous balisons clairement nos groupes cibles et nos activités. Les clients ont le droit de savoir exactement qui nous sommes, ce que nous faisons et ce qu’ils peuvent ou non attendre de nous. Nous comptons encore préciser tout cela dans la période qui vient.

Je pense en effet que cela va prendre encore plus d’importance dans les années à venir. Je vois par exemple des possibilités dans le cadre du Green Deal et de la réglementation SFDR. Les entreprises européennes vont devoir rendre compte de la manière dont elles opèrent de manière durable et de la mesure dans laquelle elles contribuent aux objectifs de développement durable sur notre continent. Cela donnera lieu à une note qui permettra aux clients d’évaluer l’entreprise. Je suis moi-même une formation en Sustainability Leadership à la KU Leuven, car je pense que cet aspect sera essentiel pour l’entrepreneuriat à l’avenir. Cela ira alors bien plus loin que le simple greenwashing. Et je pense que les entreprises qui ont une politique réfléchie dans ce domaine seront plus attrayantes pour les collaborateurs et les clients potentiels que leurs homologues.

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