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Comment une passion pour la boulangerie est devenue une marque aux ambitions internationales

De jeune boulanger anticonformiste à entrepreneur ambitieux avec des objectifs de croissance à l’international : Stephan Destrooper a bâti une entreprise florissante, où le savoir-faire artisanal se marie à l’innovation.

De jeune boulanger anticonformiste à entrepreneur ambitieux avec des objectifs de croissance à l’international : Stephan Destrooper a bâti une entreprise florissante, où le savoir-faire artisanal se marie à l’innovation. Dans cet entretien, il revient sur son parcours d’entrepreneur, depuis ses premiers pas à l’école de boulangerie jusqu’à la montée en puissance de ses Mello cakes, aujourd’hui produits à plusieurs millions d’exemplaires. Un échange inspirant sur la persévérance, les choix stratégiques et l’avenir des produits de boulangerie artisanale.

Petit-fils du légendaire Jules Destrooper, ton parcours d’entrepreneur semblait presque tracé d’avance. Quel regard portes-tu là-dessus ?

Stephan Destrooper : Mon arrière-grand-père et mon grand-père portaient tous deux le nom de Jules Destrooper. L’arrière-grand-père était boulanger, réputé pour la qualité de ses produits. Mon grand-père, qui a fondé l’usine de biscuits, était en fait Jules Destrooper junior. Il m’a transmis une leçon essentielle : « Un bon produit commence par de bons ingrédients. » Ce principe a toujours été mon fil conducteur.

À quel moment as-tu su que tu voulais devenir boulanger ?

Stephan Destrooper : Je me souviens très bien de deux sorties au cinéma avec mes parents, quand j’étais enfant : nous avions vu les Schtroumpfs et Hector d’Urbanus. En sortant, j’ai dit à mon père : « Je veux devenir boulanger. » Il n’était pas du tout enthousiaste. Lui-même avait été l’un des premiers étudiants de l’école hôtelière de Coxyde et savait à quel point le métier était exigeant : travail de nuit, les week-ends… rien de simple. Mais j’étais têtu et déterminé. Finalement, il m’a donné son accord : si je réussissais bien mes études, je pourrais aller à l’école de boulangerie. C’est ainsi que tout a commencé.

Quelle était ta motivation principale ?

Stephan Destrooper : Le besoin de prouver quelque chose à mon père y était pour beaucoup. Je trouvais le métier de boulanger magnifique, mais je voulais en transformer les aspects contraignants. Mon objectif n’était pas seulement de gérer une boulangerie, mais de créer une marque, des produits durables, que les générations futures pourraient faire évoluer. C’est devenu ma mission.

De l’artisanat à la production à grande echelle

Tu combines aujourd’hui une boutique physique, une boulangerie artisanale, et une entreprise de production. Comment cela s’est-il développé ?

Stephan Destrooper : La boulangerie accueille, les jours d’affluence, plus de mille clients. Nous fournissons également du pain au levain à des hôtels et des restaurants. Mais nous voulions aller plus loin. C’est ainsi qu’est né le concept des Mello cakes.

Ces derniers sont devenus incontournables. Comment cette aventure a-t-elle commencé ?

Stephan Destrooper : En 2010, j’ai été sélectionné pour un concours visant à élire le meilleur boulanger de Flandre. L’épreuve était simple : créer un produit dont on soit fier. Les gens goûtaient les créations, et leurs réactions étaient filmées. J’ai décidé de proposer des Mello cakes, car ils offraient un potentiel de déclinaisons futures. Ce fut un véritable succès. L’enthousiasme des clients était tel que notre boutique a été prise d’assaut par les commandes. Nous n’étions pas du tout préparés à ça. C’est à ce moment-là que nous avons décidé de professionnaliser le projet et de passer à la vitesse supérieure.

Comment avez-vous procédé ?

Stephan Destrooper : Nous avons commencé à proposer les Mello cakes à d’autres boulangers, et très vite, nous en produisions 2.000 par semaine : 50 % vendus dans notre boutique, 50 % via d’autres artisans. Nous nous sommes fait accompagner par un coach en affaires pour planifier l’évolution. C’est lui qui nous a ouvert les yeux.

Il nous a demandé combien de Mello cakes nous voulions produire dans trois et dix ans. Nous avons parlé d’un doublement en trois ans. Il a ri, et a lancé : « Pourquoi pas un million par an ? » C’était dix fois notre production actuelle ! Cela nous semblait irréalisable. Mais il nous a incités à rêver grand. Et il avait raison. Il a ensuite relativisé ces grands chiffres : si chaque habitant de Flandre-Occidentale mangeait un Mello cake par an, nous y serions déjà. Ce raisonnement nous a libérés d’un poids. Tout à coup, l’objectif semblait atteignable.

Douleurs de croissance et stratégie

Quelles ont été les étapes suivantes ?

Stephan Destrooper : Nous avons rapidement déménagé vers un nouveau site, équipé de machines plus grandes, plus modernes et plus performantes. L’objectif était d’élever notre production à un niveau supérieur. Aujourd’hui, nous produisons 60.000 Mello cakes par semaine et avons la capacité d’en fabriquer jusqu’à 12 millions par an. Et dire que tout cela a commencé dans une petite boulangerie !

Comment transformer un produit artisanal en produit de masse, sans en perdre la qualité ?

Stephan Destrooper : C’est là que réside, je pense, ma véritable force. J’ai la capacité de faire évoluer un produit artisanal vers une version industrialisée sans qu’il perde son âme, son goût et sa qualité. Cela demande évidemment des compétences techniques, mais surtout les bons investissements, ainsi qu’une équipe animée par la même passion.

Nous n’avons pas seulement augmenté la production, nous avons aussi misé sur l’innovation. Aujourd’hui, nos Mello cakes existent en dix saveurs différentes, et nous proposons également des versions sans gluten et sans sucre. Nos produits sont distribués via des boulangeries, des supermarchés, mais aussi à travers des partenariats de co-branding, notamment avec Vondelmolen et Cointreau.

Quelles sont vos ambitions ?

Stephan Destrooper : Nous n’exploitons actuellement que 30 % de notre capacité de production. Il y a donc encore une belle marge de progression. Nous visons l’export, même si le marché belge offre encore beaucoup de potentiel. Nous avons des projets concrets dans les pays voisins, mais aussi potentiellement en Afrique du Sud, en Asie, aux États-Unis et au Canada.

Côté production, nous sommes prêts à nous lancer à l’international. Mais nous avons d’abord investi massivement dans la R&D. C’était indispensable. Pour exporter un produit alimentaire, il doit avoir une longue durée de conservation. Nous avons fait en sorte que nos Mello cakes puissent être congelés pendant un an, puis conservés six mois sans perte de qualité. Nous disposons maintenant de tous les certificats nécessaires à l’exportation et allons franchir le pas très bientôt.

Les défis de l’entrepreneuriat

Entreprendre, c’est aussi prendre des risques et gérer du stress. Comment vis-tu cela ?

Stephan Destrooper : Personnellement, je ne ressens pas énormément de stress, même si une croissance comme la nôtre apporte évidemment son lot de défis. Nous sommes une entreprise axée sur la production. Nous travaillons selon le principe du trial-and-error. Si quelque chose fonctionne, on continue. Si ce n’est pas le cas, on change de direction. Grâce à cela, nous n’avons jamais pris de risques excessifs. Nous avançons pas à pas.

Quel est ton plus grand défi en tant qu’entrepreneur ?

Stephan Destrooper : Le capital et les investissements. Plus on grandit, plus il faut de moyens pour soutenir cette croissance. Il faut faire des choix stratégiques, décider quand et où investir, et ce n’est pas toujours simple.

Comment parviens-tu à garder un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?

Stephan Destrooper : C’est un point sur lequel notre équipe de management travaille activement. Ma femme Delphine gère les factures entrantes et les RH, Benoît supervise les activités liées au chocolat, et Thibo et Anse dirigent la boulangerie artisanale. Nous avons réparti les responsabilités de manière réfléchie, et nos collaborateurs les plus impliqués sont devenus actionnaires. Je ne voulais pas me retrouver, à 60 ans, à devoir coller un mot sur la vitrine disant : « Chers clients, merci pour votre fidélité, mais nous arrêtons. » C’est pourquoi nous avons choisi d’impliquer davantage nos collaborateurs clés. Partager les responsabilités permet à chacun de trouver un meilleur équilibre. Mais pour que tout le monde puisse en vivre correctement, il faut continuer à croître. C’est évident.

Vision d’avenir

Quelle est la prochaine étape ?

Stephan Destrooper : Jusqu’à fin décembre 2024, je supervisais encore les opérations de production. Ce rôle est désormais confié à d’autres. Je me consacre désormais entièrement à la stratégie et aux ventes. Nous n’avons jamais vraiment investi dans la vente, et il est temps de le faire.

Où en sera Destrooper dans cinq ans ?

Stephan Destrooper : Nous avons un objectif clair : doubler notre chiffre d’affaires pour atteindre cinq millions d’euros d’ici 2027-2028. Les Mello cakes resteront notre principal moteur de croissance. Le potentiel est immense, en Belgique comme à l’étranger. Nous ne faisons que commencer !

Comment vois-tu l’évolution du marché ?

Stephan Destrooper : Le modèle économique des boulangeries artisanales est de moins en moins viable sur le long terme : les coûts explosent – salaires, matières premières, production – alors que les grandes enseignes veulent acheter en gros et font pression sur les marges.

Je suis convaincu que les supermarchés vont encore renforcer leur position, au détriment des artisans. De plus en plus de supermarchés sont gérés de façon indépendante. Leurs exploitants doivent se différencier, avec des prix agressifs sur certains produits, et une qualité irréprochable sur d’autres. Pour cela, ils collaborent avec des producteurs locaux. Les supermarchés deviendront plus que jamais des lieux de rencontre sociale. C’est là que nos Mello cakes doivent être présents. Je suis convaincu que, même si la guerre des prix entre chaînes de supermarchés se poursuivra, il y aura toujours une clientèle prête à payer pour la qualité.

Merci pour cet entretien.

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