Le secteur du courtage est en pleine mutation. Une consolidation accrue, des innovations numériques… Nous avons demandé à Patrick Cauwert et Marie Kentros, CEO et porte-parole des courtiers en assurances, quels sont selon eux les trois défis principaux auxquels les intermédiaires indépendants doivent faire face. Voici le récit d’une discussion captivante.
« Le secteur du courtage est confronté à un flot croissant de réglementations : législation belge, normes européennes, obligations imposées par le régulateur FSMA… Malheureusement, nous constatons que beaucoup de ces nouvelles règles ne sont pas adaptées à la réalité du terrain. Cela complique de plus en plus la tâche des courtiers, et leur mission première est de défendre les intérêts de leurs clients. Or, avec cette avalanche d’obligations, cette mission peut parfois passer au second plan. Ce n’est dans l’intérêt de personne.
Les obligations imposées aux courtiers dans le cadre de la directive SFDR en sont un bon exemple. Elles exigent une quantité énorme de paperasse et, dans certains cas, le courtier ne peut même pas jouer pleinement son rôle de conseil. Si un client souhaite un investissement durable, il arrive parfois qu’au bout du processus, le produit adéquat n’existe pas ou ne soit pas répertorié. Le courtier doit alors recommencer et demander au client s’il accepte un produit non durable…
C’est le même problème avec les nouvelles règles sur les délais de préavis. Elles ne sont pas bien réfléchies et sont difficiles à appliquer dans la pratique. En réalité, le problème réside dans le fait que le secteur de l’assurance est mal connu par nombre de ministres, membres de cabinet et parlementaires responsables. La voix de notre secteur doit se faire entendre plus fort pour que nous soyons écoutés.
Au sein de l’association professionnelle, nous faisons tout notre possible pour aider nos membres à comprendre et à respecter la réglementation. Mais cela reste un défi. Dès qu’un nouveau gouvernement fédéral sera en place, nous contacterons immédiatement le ministre compétent ainsi que d’autres acteurs politiques concernés pour les sensibiliser à ces problématiques et aux préoccupations du secteur du courtage. Le lobbying reste une mission essentielle pour Feprabel.
Aujourd’hui, presque tous les courtiers sont présents sur Internet. Peut-être pas avec un site web complet, mais au moins avec une page web. Nous avons donc franchi cette étape dans le secteur du courtage.
Les outils numériques permettent aux courtiers de perdre moins de temps avec l’administratif et de se concentrer davantage sur le conseil à leurs clients. C’est quelque chose que nous saluons bien sûr. Le contact personnel avec les clients reste très important. Le numérique est essentiel, mais il ne peut se passer de l’empathie des courtiers. Les deux sont indispensables.
Nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle jouera également un rôle majeur dans le secteur des assurances. Plus encore, ceux qui ne prendront pas le train de l’IA en marche risquent de disparaître tôt ou tard. Mais pour progresser dans ce domaine, les courtiers ont besoin d’une certaine masse critique. Nous pensons donc que ces outils seront mieux intégrés à une échelle plus large que celle des bureaux individuels. Il est également possible que des initiatives provenant des assureurs puissent aider le secteur du courtage.
En raison des nombreuses fusions et acquisitions, le nombre d’assureurs sur le marché belge ne cesse de diminuer. Cela rend la tâche des courtiers plus difficile lorsqu’il s’agit de remplir leur rôle d’intermédiaire indépendant. De plus, il n’existe toujours pas de marché unique européen de l’assurance.
Dans plusieurs branches, il existe encore une offre concurrentielle, mais si d’autres fusions et acquisitions ont lieu entre assureurs, cette concurrence sera menacée. Le droit à l’assurance, qui existe déjà dans le domaine de l’assurance automobile, pourrait alors devoir être étendu par les pouvoirs publics.
En outre, nous constatons que la relation entre les courtiers et les assureurs est également soumise à des pressions dans d’autres domaines. Par exemple, il devient de plus en plus difficile pour les courtiers d’ouvrir des comptes d’agents et les obligations en matière de volume augmentent. »